Quartermaster

La seconde guerre mondiale en moins de deux heures. A première vue, l’ambition de ce jeu semble totalement disproportionnée et je vous avoue avoir de prime abord craint de me retrouver dans une sorte de vague, et mauvaise, déclinaison de Risk. Que nenni. Ce fut tout le contraire. Quartermaster est plutôt dynamique et vous place à la tête des principaux protagonistes de la Seconde Guerre Mondiale. Durant la partie, les 6 nations réparties en 2 camps s’affrontent. Pour l’Axe : l’Allemagne, le Japon et l’Italie. Pour les Alliés : le Royaume-Uni, l’Union Soviétique et les USA. Quartermaster se joue donc de 2 à 6 joueurs et vous jouez une ou plusieurs nations en fonction du nombre de joueurs.

Mémoire 44 stratégique

En fait, Quartermaster s’apparente plutôt à  Mémoire 44. Un jeu de cartes donc, mais à une échelle géostratégique. Le matériel est d’ailleurs assez sobre. Quelques pions de bois qui représentent les troupes terrestres, les unités aériennes et les navires, un grand plateau de jeu et des cartes. Étonnamment, le jeu peut se jouer de 2 à 6 joueurs. Selon le nombre, un ou plusieurs joueurs contrôleront plusieurs nations.

J’ai pu jouer une partie dans un camp et une partie dans l’autre. Dans les deux cas, je me suis retrouvé plongé dans les affres d’un Eisenhower qui doit prendre des décisions difficiles, ne pouvant qu’espérer qu’elles soient les bonnes. Il s’agit donc de suivre une stratégie, sans négliger les imprévus de la pioche de cartes.

Simple … et pourtant

Malgré la simplicité du mécanisme, Quartermaster rend plutôt bien les difficultés à gérer une nation en guerre, comme le fait Mémoire 44 à l’échelle d’une bataille. Il s’agit de conserver certaines cartes pour les jouer à des moments plus opportuns, tout en consolidant ses positions sans négliger la conquête, mais dans les limites de ses moyens. Car les concepteurs ont bien fait les choses. Chaque pays a sa propre pioche de cartes, avec ses propres particularités. Il y a d’entrée de jeu de grosses différences entre les pays. Le fait de pouvoir jouer plusieurs pays est un gros avantage car on connaît la « main » des pays alliés. Mais à six joueurs, chacun joue un pays et ne peut pas dévoiler sa main à ses alliés. Difficile de coordonner les actions.

Les joueurs vont jouer dans un ordre immuable imposé par les règles: Allemagne, Grande-Bretagne, Japon, Union Soviétique, Italie, Etats-Unis. La première différence entre les pays est le nombre de cartes à disposition de chacun. Les Etats-Unis en ont 51, l’Italie seulement 37 (en utilisant l’extension aéronavale qui fait partie intégrante du jeu). Et c’est capital. Une partie va durer 20 tours au maximum et à chaque tour, chaque pays jouera au moins une carte. Les choix stratégiques seront donc moindres pour l’Italie que pour les Etats-Unis.

Peu de marge de manoeuvre

A son tour, le joueur va commencer par jouer une carte. Ce peut être pour construire une armée ou une flotte sur une case libre adjacente à une case qu’il occupe. Ce peut aussi être pour lancer une attaque contre une case adjacente occupée par une unité adverse. Il y a aussi des cartes de guerre économique, qui en principe servent à vider plus rapidement la main de l’adversaire, des événements ou alors des cartes de statuts, qui ont un effet permanent, si certaines conditions sont réunies.

Les cartes jouées sont en principe défaussées et ne reviendront normalement plus en jeu. A la phase aéronavale, le joueur peut encore jouer une carte pour placer ou déplacer une unité aérienne. Suit une phase de ravitaillement qui élimine toute unité non ravitaillée. Le joueur compte ensuite ses points, peut défausser autant de cartes de sa main qu’il le souhaite et pioche pour ramener sa main à sept cartes. Évidemment, toutes les cartes défaussées ne reviennent plus en jeu. On comprend aisément que l’Américain pourra davantage défausser certaines cartes jugées inutiles que l’Italien. Car une fois qu’un pays n’a plus de cartes, il est paralysé, même si ses unités demeurent en jeu.

Les combats sont réduits à leur plus simple expression. Le joueur joue une carte bataille et élimine une unité adverse adjacente à une de ses propres unités ravitaillées. En général, il n’y a pas de prise de terrain possible, mais certaines cartes statuts permettent de le faire. Toute unité éliminée peut être à nouveau construite ultérieurement, en jouant une carte correspondante. On comprend aisément que le jeu sur le plateau devient vite statique.

Plusieurs niveaux de victoire

Une partie se joue donc en 20 tours au maximum. A l’issue de ces tours, le camp qui a le plus de points de victoire l’emporte. Mais si en cours de partie un camp possède 30 points de plus que l’autre au terme d’un tour complet (après que les Etats-Unis aient joués), il l’emporte.

Au final, ce Quartermaster est réellement une bonne surprise. Il se joue en moins de deux heures, un atout intéressant pour un jeu de cet acabit. Et le plaisir est au rendez-vous, du moins pour celles et ceux qui ont éprouvé du plaisir à jouer à Mémoire 44. La rejouabilité est certaine, bien que limitée. Il y a d’abord la possibilité de jouer une nation différente à chaque partie. Et puis l’ordonnance des cartes dans la pioche est aléatoire et présente donc à chaque fois un nouveau défi. En revanche, une fois les effets des cartes connus et maîtrisés, le jeu perdra à coup sûr un peu de son intérêt.

Quartermaster est un jeu de Ian Brody, publié en français par Asyncron Games, pour 2 à 6 joueurs, compter 90 minutes la partie pour 30 minutes de règles. Plusieurs extensions : Air Marshall (inclue dans la boîte de base française, Alternate Histories, Prelude, et plusieurs déclinaisons (guerre du Péloponèse, guerre froide)